Excerpt from “Les yeux fermés” , une musique invisible by Michel Arcens

Sans doute lorsque l’on voit danser Ines Birkham sur la musique de Cecilia Arditto interprétée par le flûtiste Martin Huber peut-on comprendre l’invisibilité même de la musique. Ici on peut entendre en effet désormais sans peine cette parole du poète Yves Bonnefoy :

« L’invisible […] ce n’est pas la disparition, mais la délivrance du visible ». 1

Ici le geste est infime, il est l’ « à peine » de l’apparition, et ce que l’on voit est presque une « ombre », une lumière minimale. Car c’est ainsi que l’on entend la musique : elle ne naît sans doute pas du fracas dont elle se distinguerait, pas plus du silence, elle naît seulement d’elle-même et le corps nu de la danseuse ne peut être qu’ainsi, dépouillé, innocent, offrant sa caresse aérienne comme un insaisissable nuage. Et, dans cette nuée imperceptible nous sommes nous-mêmes en train de naître, d’apparaître à nos propres yeux.
Cecilia Arditto dit encore dans le même entretien :

« Plusieurs choses traversent la musique : les sentiments, les pensées, les sensations, tout cela en perpétuel mouvement. Je ne peux pas dire : « C’est ainsi ! » […] Ce que je cherche, je l’ai trouvé en écrivant de la musique. En cherchant à l’expliquer, je commets peut-être des contresens ; ou bien je prononce des mots qui relèvent de l’utopie, auquel cas la partition ne leur correspond pas […] »

1 « L’improbable et autres essais », Folio essais, éditions Gallimard